
Nées dans la Silicon Valley, les politiques de congés illimités séduisent aujourd’hui certaines entreprises françaises. Leurs défenseurs affirment qu’elles profitent à l’épanouissement de leurs salariés, quand leurs détracteurs pointent leurs effets pervers potentiels. Décryptage.
Bonne nouvelle pour ceux qui rêvent depuis des années d’un road-trip de trois mois en Inde : un nombre croissant d’entreprises proposent à leurs employés de prendre autant de vacances qu’ils le souhaitent ! En France, l’idée a de quoi faire rêver. Aux États-Unis, où beaucoup doivent se contenter de deux semaines de congés payés par an, elle paraît tout bonnement trop belle pour être vraie. En 2004, l’entreprise de streaming Netflix a été la première à supprimer son quota de congés annuels. Au fil du temps, elle a été suivie par plusieurs entreprises innovantes, dans la Silicon Valley et au-delà : Linkedin, GrubHub, VMWare, mais aussi Virgin et, en France, la start-up de la foodtech PopChef, ainsi que le groupe immobilier Avinim.
Une économie de paperasse
Ce n’est pas un hasard si cette tendance nous vient de la Silicon Valley, où l’on trouve les locaux de Google, Facebook, Apple et bien d’autres entreprises innovantes. Des repas gratuits aux campus géants abritant salles de gym, supermarchés et salons de massage, ces entreprises sont connues pour chouchouter leurs salariés. Mais le monde des nouvelles technologies est aussi un lieu ultra-compétitif, où les start-ups se livrent à une véritable guerre des talents. Mettre en place une politique de vacances illimitées est, dans ce contexte, un outil de séduction massive. Enfin, ces entreprises sont aussi en quête d’efficacité. Ne plus traquer le nombre de jours pris dans l’année par chaque employé, c’est réaliser d’importantes économies de main d’œuvre et de paperasse, qui peuvent immédiatement être réinvesties dans la R&D.
Moins de congés qu’avant ?
Mais ce système est-il aussi idyllique qu’il y paraît au premier abord ? Dans un article du Guardian, la journaliste Anne Perkins exprime de sérieux doutes. Selon elle, dans un contexte économique morose, où les salariés sont souvent mis en compétition les uns avec les autres, ne plus fixer le nombre de jours de congés réglementaire peut vite avoir des effets pervers.
Soucieux de briller auprès de leurs managers, les employés risquent de prendre moins de congés qu’auparavant. Or, de nombreuses études montrent que les vacances permettent aux travailleurs d’être plus épanouis dans leur travail et plus productifs. L’entreprise de financement participatif Kickstarter, qui avait dans un premier temps opté pour cette politique, est d’ailleurs revenue à un système plus traditionnel après avoir constaté que ses employés partent moins souvent en vacances.
L’exemple du Top Management
Pour autant, l’idée n’est pas mauvaise en soi : elle doit simplement être mise en place dans les bonnes conditions. General Electric est l’une des rares entreprises institutionnelles à l’avoir adoptée. Pour éviter que ses employés ne s’auto-restreignent, elle s’est d’abord assurée que ses cadres montrent l’exemple et profitent de la mesure pour poser des vacances. Les ressources humaines indiquent également le nombre approximatif de jours de congés qu’il est raisonnable de prendre sur une année. En moyenne, l’entreprise note que ses employés prennent un petit plus de vacances auparavant, mais sont surtout plus motivés.
Si c’est pour, en définitive, prescrire le nombre de jours qui peuvent être pris, quel intérêt d’opter pour une politique de congés illimités ? Selon General Electric, il s’agit avant tout d’un état d’esprit : adopter cette politique témoigne d’une certaine confiance dans les employés, qui les amène à se montrer plus motivés, autonomes et productifs dans leur travail. Même son de cloche de la part de Nathan Christen, CEO de MammothFR, une start-up ayant opté pour ce schéma. « Une politique de vacances illimitées génère de la confiance, et conduit les employés […] à s’assurer que leurs tâches et projets sont menés à bien, quel que soit le temps qu’ils passent en dehors du bureau. » écrit-il.